Lettre d'information FFE n° 69 - Existence d’un transfert conventionnel d’entreprise, au sens du chapitre II de la CCT 32bis, même en l’absence de transfert de toutes les activités du cédant

Question juridique 

Existe-t-il un transfert conventionnel d’entreprise lorsque toutes les activités du cédant ne sont pas transférées au cessionnaire ?

Point de vue FFE

Le transfert conventionnel existe si l’activité économique transférée poursuit un objectif propre et est suffisamment structurée et autonome. L’activité économique transférée doit se poursuivre dans le cadre d’une entité maintenant son identité.

Motivation

  • Faits 

Le cédant était une ASBL dont l’activité consistait dans la fourniture tant de soins médicaux ou paramédicaux à domicile à des personnes dépendantes que de services d’assistance à ces mêmes personnes (prise de rendez-vous divers, fourniture de repas, fourniture de matériel, location d’un système de communication d’urgence, etc.). Le travailleur était affecté à l’exercice de cette double activité.

Le cédant avait fait l’objet d’une dissolution volontaire et d’une mise en liquidation et avait, quelques jours plus tard, mis fin au contrat de travail du travailleur moyennent le paiement d’une indemnité de rupture. Le motif du congé était la cessation d’activité du cédant. 

Suite à la cessation d’activités du cédant, le cessionnaire a poursuivi l’activité de fourniture de services d’assistance à domicile aux personnes dépendantes. Les deux entités avaient le même siège social, étaient dirigées par les mêmes personnes, le cessionnaire a fourni les mêmes prestations à la même clientèle, et aux mêmes endroits, et ce avec un personnel partiellement identique, soit trois travailleurs sur les cinq occupés par le cédant. 

Deux jours après la fin du contrat de travail, le travailleur et le cessionnaire avaient conclu un contrat de travail d’employé à durée indéterminée prévoyant une entrée en service le même jour. Ce contrat était également assorti d’une période d’essai. Deux mois après le début de l’occupation, le cessionnaire avait mis fin au contrat de travail moyennant un préavis réduit en raison de la période d’essai toujours en cours.

L’action du travailleur visait l’obtention des indemnités contractuelles relatives à son occupation par le cédant et des indemnités suite au licenciement par le cessionnaire.

Le cessionnaire, appelant, contestait l’existence d’un transfert estimant que les deux entités n’avaient pas des activités identiques, que l’activité « assistance aux personnes » n’était pas dissociable du reste de l’entreprise et que, pour cette raison, il n’y avait pas eu maintien d’une entité économique identique n’ayant pas repris des moyens humains essentiels, mais seulement trois travailleurs sur les cinq présents à la date de transfert. 

  • Cour du travail de Liège, division Namur, 09.08.2021, RG 2019/AN/198 

La Cour du travail a estimé que l’activité de fourniture de services d’assistance à domicile aux personnes dépendantes est une activité consistant à offrir des biens ou des services, qui poursuit un objectif propre et est suffisamment structurée et autonome. Cette structuration et cette autonomie peuvent se déduire du constat que cette activité a pu être poursuivie indépendamment de l’autre activité – de soins – qu’exerçait également le cédant et qui a été abandonnée à des prestataires indépendants dès que le transfert était devenu effectif.

Le fait qu’aucun actif matériel n’ait été transféré ne suffit pas à exclure le maintien de l’identité de l’entité économique, s’agissant d’une activité qui ne nécessite aucun actif ou presque, mais repose sur la main d’œuvre, sa qualification et le lien de confiance qu’elle établit avec les clients. 

La circonstance que toutes les activités du cédant n’aient pas été transférées n’enlève rien au transfert de l’activité transférée, ni au fait que celle-ci était autonome et ait pu conserver son identité. Le changement de commission paritaire n’est que la conséquence de l’abandon de cette activité de soins. Cet abandon d’une partie des activités du cédant explique aussi le fait que la totalité de son personnel n’ait pas été transférée. 

Vu les liens existant entre les deux entités, notamment présence de dirigeants communs et en particulier identité de gérant, le transfert d’entreprise doit être considéré comme conventionnel. 

Le travailleur transféré, dont les fonctions concernaient essentiellement l’activité de fourniture de services d’assistance à domicile aux personnes dépendantes, a été visé par ce transfert conventionnel. 

Nonobstant la volonté contraire du cédant et du cessionnaire, eu égard au transfert de plein droit des contrats de travail existant à la date du transfert, le contrat du travailleur a été transféré au cessionnaire, rendant sans effets tant son congé que son réengagement à l’essai par le cessionnaire. La clause d’essai, conclue avec le cessionnaire, est nulle parce qu’elle a été conclue après l’entrée en service du travailleur, dès lors que l’entrée en service à prendre en compte – pour évaluer la validité de la clause d’essai – est celle sur base du contrat de travail conclu avec le cédant. En conséquence, le cessionnaire n’a pu licencier le travailleur moyennant un préavis réduit en raison d’un essai toujours en cours. 

Cet arrêt confirme le jugement qui condamnait le cessionnaire, sur base de la responsabilité in solidum du cédant et du cessionnaire.

Conclusion

Cette décision confirme la pratique administrative du Fonds.